L’effet schizomètre (2018) de Benoit Vidal
Ma grand-mère Joséphine est décédée l’année de la publication de Pauline à Paris. Cela m’a perturbé car le projet de raconter ses histoires sous forme de romans-photos était intimement lié à son existence. À ma volonté de conserver une trace de sa présence. Sans Joséphine, plus d’histoires de Joséphine !
Depuis quelques années, j’avais fait la rencontre d’un groupe hétéroclite, composé de psychanalystes et d’écrivains, qui étaient à l’origine d’une exposition assez étonnante à la Maison Rouge à Paris, consacrée à un artiste étrange, un artiste brut d’après certains : Marco Decorpeliada.
Avec le temps, j’ai été adopté par la bande, et lorsqu’ils ont monté une conférence-spectacle au théâtre du rond-point des champs Élysées en 2016, il m’est apparu que je tenais là un sujet intéressant pour mettre en œuvre un de mes convictions : le roman-photo tel que je l’ai utilisé en réalisant Pauline à Paris est parfaitement adapté au genre documentaire.
Comme pour Pauline à Paris, je tenais un texte (le texte de la conférence), j’avais des photos (essentiellement issues de captations de la conférence – la qualité n’est pas toujours excellente hélas !) et j’avais accès à de nombreuses images d’archives, notamment avec les œuvres de l’artiste.
C’est ce qui m’a conduit à réaliser cet ouvrage étonnant, inclassable, qui a beaucoup de mal à trouver son public puisqu’il est inclassable. Ouvrage de psychiatrie ? de psychanalyse ? d’art brut ? d’art conceptuel ? roman-photo ? fiction ? documentaire ? canular ? Pour un livre qui parle d’un artiste plus ou moins fictif dont le combat était de remettre en cause les classifications, le pari est réussi ! Mais les libraires ne savent pas sur quelle étagère le présenter, l’éditeur Epel spécialisé dans les ouvrages de psychanalyse lacanienne est peu visible en dehors de son cercle réduit, et la diffusion du livre se fait surtout au grès des conférences-performances dédiées Marco Decorpeliada.
Si cet ouvrage que j’affectionne beaucoup est nettement moins personnel que Pauline à Paris, il n’en demeure pas moins un ouvrage dans lequel je me dévoile davantage que ne le laissent penser les apparences.
Sur la quatrième de couverture, j’ai fait écrire : « Convaincu que le roman-photo est un genre narratif sous-exploité, Benoit Vidal, explore avec L’effet schizomètre les potentialités de ce média (lui aussi difficilement classable) au service du documentaire ».