Les cahiers de la BD est une revue très intéressante qui développe des dossiers… sur le monde de la BD. Le numéro 23, publié durant l’été 2023, propose entre autres choses un dossier de 22 pages annoncé en couverture sous le titre : « Roman-photo, l’histoire d’un mauvais genre », suivi de la réédition d’un roman-photo de 6 pages (génial) de Léandri.

Ce dossier, piloté par Marius Jouanny, lui-même auteur de plusieurs romans-photos publiés dans des fanzines, a une immense qualité : en une vingtaine de pages, il parvient presque miraculeusement à faire un tour très complet de l’univers du roman-photo, en évoquant son histoire et ses origines, la grande époque (grande par l’importance des tirages) des magazines féminins, les détournements, les parodies, et enfin les nouvelles pistes, les OVNIS, les éditions Flblb, et mes ouvrages. Bref, un vaste panorama beaucoup plus complet, malgré sa taille réduite, que nombre d’articles ou d’ouvrages sur le sujet.

En ce qui concerne les limites, elles sont inhérentes au format. Il est évident qu’en 22 pages, largement illustrées, donnant la paroles à plusieurs auteurs ou lecteurs, le dossier ne peut pas faire une analyse très approfondie du sujet. On soulignera par ailleurs (mais faut-il s’en étonner ?) que la couverture du magazine ne met pas le roman-photo en avant, sans doute pour ne pas faire plonger les ventes : il est connu que les photos en couverture nuisent aux ventes des magazines de BD. Et le titre de l’article de Marius Jouanny, « Le retour en grâce du roman-photo », n’évite pas le stéréotype que les afficionados associent à ce moyen d’expression, prenant un peu leurs rêves pour la réalité.

Mais malgré toutes les contraintes, ce dossier mérite d’être signalé et mis en avant et le travail de Marius Jouanny mérite d’être récompensé. Car en quelques pages, il a su réunir une mine d’informations utiles à toute personne qui pourrait s’intéresser à ce média. Il sera toujours possible, ensuite, d’approfondir l’analyse en se procurant les nombreux titres cités. Car Marius Jouanny a l’immense qualité de ne pas faire d’impasse, de ne pas laisser dans l’ombre certains auteurs ou certaines maisons d’édition. Même si les citations sont souvent brèves, le nombre et la diversité des références sont remarquables. Je ne doute pas que Marius Jouanny eût aimé développer son sujet dans un format plus long…

Pour ceux qui ne savent pas par où commencer, le dossier fournit une liste des 10 romans-photos incontournables parmi lesquels on trouvera, en troisième position, L’Effet Schizomètre (j’en suis très heureux !).

Dans la littérature finalement bien réduite des écrits sur le roman-photo, le dossier des cahiers de la BD n°23 est un jalon important et participera peut-être à attirer l’attention de nouveaux acteurs vers ce moyen d’expression.