Les imposteurs et les cousins du roman-photo
Il existe une catégorie d'ouvrages que j'appelle Les imposteurs. Ce sont les ouvrages qui se présentent sous le nom de roman-photo alors qu'ils n'en sont pas... ou pas vraiment. Tout est une question de définition !
C'est le cas de ce livre, intitulé Roman photo, que l’on m’a prêté et dont j’ai oublié le nom de l’auteur et de l’éditeur. C'est un roman écrit par un auteur à partir de photographies qui lui ont été remises (sans connaissance du contexte dans lequel elles ont été prises). Un exercice de style en quelque sorte.
Le titre est trompeur, c'est un roman écrit sous contrainte, à partir de photographies, certes, mais ce n'est pas un roman-photo dans la mesure où la narration n'est pas conduite par une succession de photographies.
Au-delà des imposteurs, j’avais envie d’évoquer quelques ouvrages que je pourrais dénommer Les cousins, catégorie qui mériterait sans doute que je crée une nouvelle section sur mon blog et qui lui serait entièrement dédiée. Dans cette catégorie pourraient figurer des centaines voire des milliers de références en réalité, mais je me contenterai de présenter les quelques ouvrages que j'ai pu découvrir lorsque je cherchais des romans-photos et dont on m'a parlé parce qu'ils avaient des points communs avec les romans-photos.
Les gens dans l'enveloppe
Les gens dans l'enveloppe est un roman d’Isabelle Monnin qui fut un (relatif) succès de librairie. L’ouvrage développe une démarche similaire à Roman photo que j'ai classé dans la catégorie des imposteurs. Mais ) la différence du premier, Les gens dans l'enveloppe ne se présente pas comme un roman-photo. C’est la raison pour laquelle je préfère parler de « cousin » (et pas d’imposteur !).
Dans un premier temps, des photographies, achetées dans une brocante, inspirent une nouvelle (une fiction). Mais ce qui est intéressant, c’est qu’une seconde partie permet à l'autrice de raconter l’enquête qu’elle a menée pour retrouver l'origine de ces photographies. Et comme dans Pauline à Paris, les photographies qui illustrent une histoire deviennent sources d'une nouvelle histoire…
Madeleine project
Publié aux éditions du sous-sol (2016), Madeleine Project de Clara Beaudoux est un recueil très original formé sur la base de tweets. L'autrice mène une enquête sur une vieille dame qu’elle n’a jamais connue et qui habitait dans son appartement avant qu’elle ne l’achète. Le fil conducteur se forme à partir des objets qui sont restés dans la cave que l’autrice découvre et photographie.
Les textes sont très courts (des tweets !) et presque toujours accompagnés d’une photographie. Mais ce ne sont pas les photographies qui guident la narration. Donc on ne peut pas parler de roman-photo ni même de roman-graphique. Ces textes furent publiés sur tweeter avant de devenir un livre. Sur le site de l’autrice, l’enquête se poursuit puisqu’une saison 4 et une saison 5 ont été publiées en 2017.
Ce travail qui mêle photo et texte pour mener une enquête sur le passé d’une vieille dame a beaucoup de points communs avec Pauline à Paris. Mais malgré l’importance des photographies, on ne peut pas parler à proprement parler de narration graphique. Je le range donc dans les « cousins ».
Le journal de Franky Pratt
Le journal de Franky Pratt de Caroline Preston est à ma connaissance le premier roman sous forme de scrapbooking. Le titre américain est d’ailleurs très explicite, puisqu’il est : The scrapbook of Frankie Pratt. Il n'y a pas de photographies dans le livre, mais la recherche et l’utilisation d’images d’archives ressemble beaucoup au travail que j'ai mené dans Pauline à Paris.
S’il n’est pas un roman-photo, Le journal de Franky Pratt fait partie de la famille des romans-graphiques, même s’il n’est pas non plus une BD. Les illustrations s’enchevêtrent plus qu’elles ne se succèdent, et les cases, bandes, bulles sont absentes. On peut penser que c’est davantage le texte que les illustrations qui mène la narration et c’est pourquoi on ne sait plus trop s’il faut parler de roman illustré ou de roman-graphique.
Il faut ajouter que l'histoire s'apparente à une « romance à l'eau-de-rose », ce qui lui fait un point commun avec le courant dominant du roman-photo.
Enfin, un dernier point commun avec Pauline à Paris est le contexte de l’histoire. Dans son journal, la jeune Frankie Pratt raconte sa vie, celle d’une jeune femme, née au début du vingtième siècle, qui décide de partir vivre en Europe, à Paris… Mais la vie de Frankie Pratt est une fiction, ce qui différencie fondamentalement cette histoire de la vie de Pauline.
Ce livre est un hybride difficile à classer, ce qui le rend particulièrement attachant à mes yeux. Il tient davantage du collage que de tout autre genre narratif. Ne devrait-on pas créer un genre « roman-collage » ? Au même titre que le roman-photo, le roman-collage est un genre narratif qui mériterait de se développer. Une histoire à suivre…